Projet de performance

Je travaille encore à notre nouvelle tenue, 25 mn environ, 2016
 
Si l’on imagine un scénario d’un « futur dystopique", un avenir dans lequel «nous vivons déjà» le travail est atteint, le travail est modifié, diminué sous le contrôle de l’argent, de la dictature de la logique. Des emplois sont déplacés, des métiers sont supprimés. Dans le domaine de la confection, la disparition de la fabrication des vêtements provoque la disparition du corps social qu'il englobait, ou plutôt, la conscience du corps qu’il recouvrait entrainant son démembrement, sa dislocation.

Voici le postulat de départ d’un travail artistique ancré dans une situation réelle d’aujourd’hui, observée à partir d’une enquête auprès l’Atelier du Maître Tailleur de l’arsenal de Brest qui fabriquait les vêtements pour la Marine Nationale. Aujourd’hui fermé, cet atelier était le territoire du tailleur, de la couturière, de l’habillement, de la culture du corps. Tenues, vareuses, cols, pantalons, chemises, spencers, shorts, manches, boutonnières, épaulettes, galons, bonnets, serge, toile de jean… et d’autres, sont façonnés dorénavant dans des pays lointains tout autour du monde. L’uniforme du marin est alors une recomposition de fragments de corps étrangers.

La fragmentation et la recomposition est le processus au travail où le corps, le jeu et le travestissement prennent forme.


Description du film
J’ai réalisé un montage sonore à partir d’entretiens de piqueuses-mécaniciennes de l’Atelier du Maître Tailleur, aujourd’hui à la retraite. On y parle de l’entrée dans le travail, du savoir-faire, des objets aux quotidiens, des conditions de travail qui se dégradent, des luttes successives pour les améliorer, de l’usure des corps et de la fin du travail à laquelle on n’a pas envie d’être associé. C’est une histoire qui rend amère quand on pense à celles qui sont aujourd’hui reclassées après la fermeture à des postes peu valorisants. Les paroles de ces femmes témoignent de l’envie de transmettre une expérience de toute une vie. Elles sont tantôt nostalgiques, tantôt rudes, parfois joyeuses et dansantes. A ces voix s’associent à de la musique, à des panneaux textuels et à quelques images pour former 6 chapitres :
« Nos efforts à revenir sur le passé peut nous être utile dans le futur… ».

TITRE : « Je travaille encore à notre nouvelle tenue… »
1. L’entrée dans le travail
2. Le goût du travail
3. La vie du travail
4. L’injustice du travail
5. L’usure du travail
5. La fin du travail

Le film est réalisé en ma présence sur un plateau nu avec un écran de projection en fond de scène. La diffusion de la vidéo (texte qui s’affiche sur l’écran en fond de scène) et du son est la trame du scénario de la performance. Je manipule les objets de « Démembrement » pour créer une chorégraphie en temps réel sur les voix des ouvrières. C’est un jeu entre mon corps, les formes qui sont « portables », le récit d’une expérience de travail. La « tenue du marin » n’est plus cohérente, mais de la dislocation nait de nouvelles compositions, de nouvelles figures parfois monstrueuses, violentes et le plus souvent tragi-comiques : « Je travaille encore à notre nouvelle tenue… ».